1. L’état des connaissances sur les dangers et les risques liés aux rayonnements ionisants 1. Cohorte : groupe d’individus considérés comme un ensemble et participant à une étude statistique des circonstances d’apparition des maladies. Les rayonnements ionisants sont définis comme étant capables de produire directement ou indirectement des ions lors de leur passage à travers la matière. Parmi eux, on distingue les rayons X, les rayonnements gamma, alpha et bêta, ainsi que les rayonnements neutroniques, chacun d’entre eux étant caractérisé par des énergies et des pouvoirs de pénétration différents. 1.1 Les effets biologiques et les effets sanitaires Qu’ils soient le fait de particules chargées, par exemple électron ou positon (rayonnements bêta) ou un noyau d’hélium (rayonnement alpha), ou de photons (rayons X ou rayons gamma), les rayonnements ionisants interagissent avec les molécules constitutives des cellules de la matière vivante et les transforment chimiquement. Parmi les lésions ainsi créées, les plus importantes concernent l’ADN des cellules ; elles ne sont pas fondamentalement différentes de celles provoquées par certaines substances chimiques toxiques, exogènes (extérieures à l’organisme) ou endogènes (résultant du métabolisme cellulaire). Lorsqu’elles ne sont pas réparées par les cellules elles‑mêmes, ces lésions peuvent conduire soit à la mort cellulaire soit à l’apparition d’effets biologiques néfastes, dès lors que le tissu ne peut plus assurer ses fonctions. De tels effets, appelés « effets déterministes », sont connus de longue date puisque les premiers effets ont été décrits assez tôt après la découverte des rayons X par W. Röntgen (début des années 1900). Ils dépendent de la nature du tissu exposé et apparaissent de façon certaine dès que la quantité de rayonnements absorbée dépasse un certain niveau de dose. Parmi ces effets, on peut citer par exemple l’érythème, la radiodermite, la radionécrose et la cataracte. Les effets sont d’autant plus graves que la dose de rayonnements reçue par le tissu est importante. Les cellules peuvent aussi réparer, mais de façon imparfaite ou erronée, les lésions ainsi provoquées. Parmi les lésions qui subsistent, celles de l’ADN revêtent un caractère particulier, car des anomalies résiduelles au niveau des chromosomes peuvent être transmises par divisions cellulaires successives à de nouvelles cellules. Une seule mutation génétique est loin d’être suffisante pour la transformation en cellule cancéreuse, mais cette lésion due aux rayonnements ionisants peut constituer une première étape vers la cancérisation qui apparaît après un temps variable jusqu’à plusieurs années après l’exposition. La suspicion d’un lien de causalité entre une exposition aux rayonnements ionisants et la survenue d’un cancer remonte à 1902 (observation d’un cancer de la peau sur une radiodermite). On parle alors de « cancer radio-induit ». Par la suite, plusieurs types de cancer ont été observés en milieu professionnel, dont certains types de leucémie, des cancers bronchopulmonaires (par inhalation de radon) et des ostéosarcomes de la mâchoire. Hors du domaine professionnel, le suivi pendant plus de soixante ans d’une cohorte(1) d’environ 85 000 personnes irradiées lors des bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki (Japon) a permis de réunir des données sur la morbidité et la mortalité par cancer après exposition aux rayonnements ionisants, et de décrire les relations dose‑effets, qui sont à la base de la réglementation actuelle. D’autres travaux épidémiologiques ont permis de mettre en évidence, chez les patients traités par radiothérapie, une augmentation statistiquement significative des cancers (effets secondaires) imputables aux rayonnements ionisants. Citons également l’accident de Tchernobyl (Ukraine) qui, du fait de l’iode radioactif rejeté, a provoqué dans les régions proches du lieu de l’accident un excès de cancers de la thyroïde chez des sujets jeunes exposés pendant leur enfance. Les rayonnements ionisants peuvent être d’origine naturelle ou provenir d’activités nucléaires d’origine humaine. Les expositions de la population aux rayonnements ionisants d’origine naturelle résultent de la présence de radionucléides d’origine terrestre dans l’environnement, de l’émanation de radon en provenance du sous‑sol et de l’exposition aux rayonnements cosmiques. Les activités nucléaires sont définies par le code de la santé publique (CSP) comme « les activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants lié à la mise en œuvre soit d’une source artificielle, qu’il s’agisse de substances ou de dispositifs, soit d’une source naturelle, qu’il s’agisse de substances radioactives naturelles ou de matériaux contenant des radionucléides naturels […] ». Ces activités nucléaires incluent celles qui sont menées dans les installations nucléaires de base (INB) et dans le cadre du transport de substances radioactives, ainsi que dans les domaines médical, vétérinaire, industriel et de recherche. Au‑delà des effets des rayonnements ionisants, certaines installations peuvent être à l’origine de risques et de nuisances non radiologiques tels que les rejets de substances chimiques dans l’environnement ou l’émission de bruit. Les différents principes auxquels doivent répondre les activités nucléaires, notamment les principes de sûreté nucléaire et de radioprotection, sont présentés au chapitre 2. 104 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 • 01 • Les activités nucléaires: rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement
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