Comme les années précédentes, ces événements mettent toujours en exergue des fragilités organisationnelles au niveau : ∙ de la gestion des flux de dossiers de patients ; ∙ des étapes de validation, qui sont insuffisamment explicitées ; ∙ de la tenue des dossiers des patients, permettant d’avoir une vision d’ensemble et un accès, au bon moment, aux données nécessaires. Des pratiques non harmonisées au sein d’un même centre, des interruptions de tâches fréquentes, une charge de travail importante non maîtrisée avec, notamment, un impact sur les amplitudes horaires de travail, le déploiement d’une nouvelle technique ou pratique constituent des situations qui viennent perturber les activités de travail et fragiliser les mesures de sécurité qui ont été définies dans le système de management de la qualité. Il est ainsi essentiel d’évaluer régulièrement ces mesures et de tirer les enseignements des dysfonctionnements qui se produisent. L’ASN note une baisse notable et régulière depuis 2015 des déclarations d’ESR dans le domaine de la radiothérapie (voir point 2.7 graphique 12). Il est probable que cette baisse soit pour partie attribuable à la mise en place d’organisations qui ont permis de fluidifier et sécuriser davantage la préparation des traitements (dématérialisation complète avec utilisation des listes de tâches des « record and verify », harmonisation des protocoles médicaux, logiciel d’aide au contourage, application automatique des décalages de dosimétrie, suivi des délais de préparation, etc.), ainsi que par la prise en compte du REX des événements. La mise en place d’audits pour évaluer la performance du processus de prise en charge de radiothérapie (audit de dossiers, suivi des délais), le respect des règles d’identitovigilance ou l’efficacité d’une action d’amélioration peuvent également expliquer cette baisse du nombre de déclarations des ESR même si ces démarches sont encore loin d’être généralisées. Cependant, dans le même temps, les inspecteurs de l’ASN constatent une baisse de la culture de déclaration des ESR avec une diminution du nombre d’événements indésirables enregistrés en interne qui sont analysés (moins de comités de retour d’expérience organisés) et davantage d’analyses d’événements superficielles explorant peu leurs causes profondes. Les inspecteurs relèvent également un manque de prise en compte des enseignements issus du REX des événements déclarés fait au niveau national et des faiblesses dans la communication, uniquement descendante, dans certains centres. La baisse des déclarations des ESR en radiothérapie est l’un des thèmes du séminaire organisé par l’ASN le 15 mars 2023 intitulé «Démarche qualité‑sécurité en radiothérapie : quels enseignements après plus de 15 ans de mise en œuvre?». Parmi les événements indésirables déclarés en 2022 figure un nombre croissant de cyberattaques (3 centres de radiothérapie dont 1 en 2021 et 2 en 2022, 1 centre de médecine nucléaire en 2022). Ces attaques entraînent une paralysie des systèmes informatiques et de fortes perturbations dans l’organisation des traitements. Compte tenu du risque de perte de chance pour les patients dont les traitements seraient interrompus ou d’erreurs dans la délivrance du traitement, en raison des potentielles pertes de données, ces cyberattaques engendrent un stress tant pour les équipes de soins que pour les patients. La cybersécurité n’étant pas de la compétence de l’ASN, ces situations sont toutefois portées à la connaissance de l’ASN et font l’objet d’une déclaration lorsqu’elles sont à l’origine de la survenue d’un ESR. Ces cyberattaques questionnent les pratiques actuelles du dossier patient « tout informatisé ». Une réflexion vient d’être initiée par la SFRO, à laquelle l’ASN est associée, dont l’objectif est d’émettre des recommandations permettant d’anticiper et de limiter les risques liés à des cyberattaques dans un contexte où la numérisation des données est croissante (pertinence de conserver des documents papier, révision des procédures de sauvegarde en cas de perte des données numériques, etc.). SYNTHÈSE En radiothérapie, les inspections conduites par l’ASN dans près d’un quart des services de radiothérapie en 2022, mises en perspective avec celles réalisées sur la période 2018‑2021, permettant de couvrir l’ensemble du parc, confirment que les fondamentaux de la sécurité sont en place: organisation de la physique médicale, contrôles des équipements, formation à la radioprotection des patients, déploiement des démarches d’assurance de la qualité, recueil et analyse des événements. Toutefois, l’analyse sur la période 2018‑2022 confirme que l’évaluation de l’efficacité des actions correctives constitue toujours le point faible des démarches de REX et peine à se généraliser. Si les analyses de risque a priori sont insuffisamment actualisées en amont d’un changement organisationnel ou technique ou à l’issue du REX des événements, l’ASN note positivement le développement, sur une base volontaire, des pratiques d’audit par les pairs, en physique médicale, lors de l’installation de nouveaux équipements. L’ASN souligne que les rachats de centres constituent des situations de fortes perturbations génératrices de risques si l’impact sur l’activité de travail des professionnels n’est pas analysé et si ces changements ne sont pas préparés avec l’ensemble des équipes. Par ailleurs, l’ASN constate que la formalisation des modalités d’habilitation au poste de travail, obligatoire depuis août 2021, se déploie avec des disparités selon les catégories professionnelles. Enfin, la survenue d’événements, tels que des erreurs d’identification de patients, de contourage des organes à risque et/ou des organes cibles et à nouveau d’étalonnage, révèle toujours des fragilités organisationnelles et la nécessité d’évaluer régulièrement les pratiques. En outre, l’ASN constate une perte de mémoire des enseignements issus des ESR passés et une diminution régulière des ESR déclarés à l’ASN depuis 2015. Si celle‑ci est pour partie attribuable à une meilleure sécurisation des traitements, une baisse de la culture de déclaration des événements internes est perceptible avec des comités de retour d’expérience qui se réunissent moins souvent et des analyses moins approfondies. Par ailleurs, la survenue de cyberattaques souligne les nouveaux enjeux auxquels les professionnels de la radiothérapie sont confrontés dans un contexte où la numérisation des données est croissante. Enfin, les nouvelles techniques et pratiques, en constante évolution, ne font toujours pas l’objet d’une évaluation suffisante pour permettre une évaluation des effets radio‑induits à long terme (radiothérapie adaptative, hypofractionnement, flash-thérapie, etc.). 2.2 La curiethérapie La curiethérapie permet de traiter, de façon spécifique ou en complément d’une autre technique de traitement, des tumeurs cancéreuses. Cette technique consiste à placer des sources de radionucléides, scellées, au contact ou à l’intérieur des tumeurs solides à traiter. Les principaux radionucléides employés en curiethérapie sont l’iridium-192 et l’iode-125. La curiethérapie met en œuvre trois types de techniques, qui diffèrent en particulier par le débit de dose mis en œuvre (détaillées ci‑après) en fonction des indications. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 223 • 07 • Les utilisations médicales des rayonnements ionisants 05 07 01 08 13 AN 04 10 06 12 14 03 09 11 02
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