Rapport de l'ASN 2022

Enfin, les épisodes exceptionnels de canicule de l’été 2022 ont conduit au réchauffement de certains cours d’eau utilisés pour le refroidissement des centrales nucléaires. Pour assurer la sécurité du réseau électrique et économiser les réserves de gaz naturel et d’eau des barrages hydroélectriques, l’ASN a modifié temporairement ses prescriptions encadrant les rejets thermiques des centrales nucléaires de Blayais, Bugey, Golfech, Saint-Alban et Tricastin (voir « Faits marquants » en introduction de ce rapport). 2.6 La contribution de l’homme et des organisations à la sûreté La contribution de l’homme et des organisations à la sûreté des centrales nucléaires est déterminante au cours de toutes les étapes du cycle de vie des installations (conception, construction, mise en service, fonctionnement, démantèlement). 2.6.1 Le fonctionnement des organisations Le système de gestion intégrée L’arrêté du 7 février 2012 prévoit que l’exploitant dispose des compétences techniques pour assurer la maîtrise des activités d’exploitation. Par ailleurs, cet arrêté prescrit à l’exploitant de définir et de mettre en œuvre un système de gestion intégrée (SGI) permettant d’assurer que les exigences relatives à la protection des intérêts sont systématiquement prises en compte dans toute décision concernant l’installation. Ce SGI doit préciser les dispositions prises en matière d’organisation et de ressources de tout ordre, en particulier celles retenues pour maîtriser les activités importantes pour la protection des personnes et de l’environnement. La maîtrise des activités sous‑traitées Les activités de maintenance et de modification des réacteurs sont en grande partie sous‑traitées par EDF à des entreprises extérieures. EDF motive le recours à la sous‑traitance par le besoin de faire appel à des compétences pointues ou rares et par la forte saisonnalité des arrêts de réacteur et donc le besoin d’absorber les pics de charge. Le choix d’EDF de recourir à la sous‑traitance ne doit pas remettre en cause les compétences techniques qu’elle doit conserver pour exercer sa responsabilité d’exploitant en matière de protection des personnes et de l’environnement et être en mesure de surveiller effectivement la qualité des travaux effectués par les sous‑traitants. Une sous‑traitance mal maîtrisée est en effet susceptible de conduire à une mauvaise qualité du travail réalisé et d’avoir un impact négatif sur la sûreté de l’installation et la radioprotection des intervenants. EDF met en place les dispositions nécessaires pour maîtriser les risques associés aux activités sous‑traitées et les actualise régulièrement. EDF a ainsi renforcé la préparation des arrêts de réacteur afin, notamment, de sécuriser la disponibilité des ressources humaines et matérielles. 2.6.2 L’évaluation du fonctionnement des organisations et de la maîtrise des activités L’ASN s’intéresse aux conditions qui favorisent ou pénalisent la contribution des intervenants et des collectifs de travail à la sûreté des centrales nucléaires. Elle définit les facteurs organisationnels et humains (FOH) comme l’ensemble des éléments des situations de travail et de l’organisation qui vont avoir une influence sur l’activité de travail des opérateurs. Le contrôle de l’ASN sur le fonctionnement des organisations mises en place par EDF vise les modalités de mise en œuvre de son SGI. En particulier, l’ASN s’assure que les démarches de conception ou de modification mises en œuvre par les centres d’ingénierie au moment de la conception d’une nouvelle installation ou de la modification d’une installation existante prennent en compte le besoin des utilisateurs et les organisations qui vont l’exploiter. Plus largement, l’ASN contrôle l’organisation mise en œuvre par EDF pour gérer les ressources nécessaires à la réalisation de ces activités. Les remarques formulées lors d’inspections font l’objet de demandes d’actions d’amélioration. L’organisation globale L’organisation mise en place par EDF pour assurer la maîtrise des risques est satisfaisante dans son ensemble mais reste perfectible dans quelques centrales nucléaires. Les non-qualités de maintenance et d’exploitation restent à un niveau élevé, malgré un nombre plus important de réacteurs à l’arrêt en 2022, et certaines d’entre elles ont été à l’origine d’événements significatifs. Les inspections et les analyses d’événements menées par l’ASN mettent notamment en évidence une recrudescence significative des écarts au cours des activités de consignation et de lignage. Certaines fragilités des dispositions organisationnelles, notamment des plannings insuffisamment maîtrisés, ne permettent pas encore de sacraliser les phases de préparation des activités, ce qui engendre des défauts de programmation, des défaillances dans les analyses de risque réalisées en amont ou des mauvaises prises en compte du REX. Les inspections de l’ASN mettent en évidence des améliorations au niveau de la tenue des « pré-job briefings» comparativement à 2021. L’implication des managers de première ligne sur le sujet semble produire des résultats concrets. Lors de sa campagne d’inspections (voir encadré page suivante), l’ASN a constaté des difficultés de répartition des rôles et de communication au sein des équipes de conduite. Par ailleurs, l’ASN note que des problèmes de coordination avec les autres métiers et les équipes portant des projets subsistent. Concernant les activités de maintenance, des problèmes de coordination entre les différents services ont été relevés sur quelques sites, avec des organisations peu performantes pour la gestion de plusieurs activités en parallèle. Les centrales ont su mettre en place une organisation efficace pour anticiper le déploiement des modifications associées au quatrième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe, avec la mise en place d’un accompagnement pédagogique important et d’une instance de suivi pour l’intégration des modifications. Enfin, en 2022, les évolutions d’organisation et des pratiques professionnelles qu’EDF avaient adoptées pendant les phases aiguës de la pandémie de Covid-19 n’ont pas été reconduites. Pour autant, un REX de la mise en œuvre de ces évolutions a été engagé par EDF et se poursuivra en 2023. La gestion des compétences La gestion des compétences des équipes de conduite a fait l’objet d’une campagne d’inspections en 2022 (voir encadré page suivante). Pour ce qui concerne les activités de maintenance, l’ASN continue de constater que des événements significatifs mettent explicitement en cause des défauts de compagnonnage et de formation et, au final, des compétences insuffisantes, qui se manifestent notamment par une mauvaise perception par les intervenants des enjeux pour la sûreté. Enfin, l’ASN constate également la persistance en 2022 d’un déficit d’accompagnement et de formation en ce qui concerne les modifications matérielles des installations. Ce déficit est imputable à des défaillances organisationnelles diverses (manque de ressources, anticipation insuffisante du besoin de formation, manque de coordination entre les métiers lors de la phase finale du déploiement d’une modification, etc.). 312 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2022 • 10 • Les centrales nucléaires d’EDF 10

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