Les conséquences sanitaires de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima (Japon) pour les populations avoisinantes ont également fait l’objet de travaux et d’analyses, dont certains sont encore en cours, afin d’en tirer les enseignements au plan épidémiologique. Le risque de cancer radio‑induit n’est pas lié à un dépassement de seuil. Il se manifeste par un accroissement de la probabilité de cancer en fonction de la dose de rayonnements reçus, et dépend également de l’âge et du sexe. On parle alors d’effets probabilistes, stochastiques (dont l’apparition, à la suite d’une exposition, dépend du hasard) ou aléatoires. La probabilité de développer un cancer augmente avec la dose. Toutefois, l’impact des faibles doses sur l’apparition d’un cancer fait l’objet de débats scientifiques (voir point 1.2). Établis au plan international, les objectifs de santé publique de la radioprotection visent à éviter l’apparition des effets déterministes et à réduire la probabilité d’apparition de cancers radio-induits ; l’ensemble des résultats des études semble indiquer que les cancers radio‑induits constituent le risque sanitaire prépondérant lié à l’exposition aux rayonnements ionisants. 1.2 L’ÉVALUATION DES RISQUES LIÉS AUX RAYONNEMENTS IONISANTS En France, la surveillance de l’épidémiologie des cancers est fondée sur des registres de maladies, sur la surveillance des causes de décès et, plus récemment, s’appuie également sur l’exploitation des données du programme médicalisé des systèmes d’information des établissements de santé et sur les déclarations d’affection de longue durée. Les registres sont des structures qui réalisent « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ». Certains dits «généraux» s’intéressent à tous les types de cancer, leur périmètre est départemental ou interdépartemental; d’autres, dits « spécialisés », se focalisent sur un cancer particulier. Leur portée est un périmètre géographique variable (agglomération, département, région, voire national). Les trois registres nationaux concernent pour le premier le mésothéliome de la plèvre dans le cadre d’exposition principalement aux fibres d’amiante, les deux autres couvrent l’ensemble des pathologies cancéreuses de l’enfant et de l’adolescent jusqu’à 18 ans (source : INCa). Dans une zone couverte par un registre, l’objectif est de mettre en évidence des différences de répartition spatiale, de dégager des évolutions temporelles en matière d’augmentation ou de diminution du taux d’incidence des différentes localisations cancéreuses, ou encore de repérer un agrégat de cas. En fonction de la qualité de leur base de données populationnelle et de leur ancienneté, certains registres participent à de nombreuses études explorant les facteurs de risque des cancers (dont les risques environnementaux). L’investigation épidémiologique est une tâche complémentaire de la surveillance. Elle a pour vocation de mettre en évidence une association entre un facteur de risque et la survenue d’une maladie, entre une cause possible et un effet, ou tout au moins de permettre d’affirmer que l’existence d’une telle relation causale présente une très forte probabilité. La difficulté intrinsèque à mener ces études est à rappeler, de même que la difficulté à conclure de façon convaincante lorsque le délai d’apparition de la maladie est long ou encore lorsque le nombre de cas attendus est faible, ce 2. Source : étude Inworks – IRSN, note d’information du 3 octobre 2023, irsn.fr. 3. Source : étude EPI CT – IRSN, irsn.fr. 4. Le radon est un gaz radioactif naturel, descendant de l’uranium et du thorium, émetteur de particules alpha et classé cancérigène pulmonaire certain par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) depuis 1987. qui est notamment le cas pour des expositions faibles de quelques dizaines de millisieverts (mSv). Les cohortes comme celles de Hiroshima et de Nagasaki ont clairement mis en évidence un excès de cancers, pour une exposition moyenne de l’ordre de 200 mSv. En raison de données insuffisantes sur l’impact des faibles doses sur l’apparition d’un cancer, des estimations sont fournies en extrapolant de façon linéaire et sans seuil les effets observés décrits aux fortes doses. Ces modélisations donnent des estimations des risques encourus lors d’une exposition aux faibles doses de rayonnements ionisants qui restent cependant controversées au niveau scientifique. Des études sur de très larges populations sont actuellement menées pour mieux caractériser ces risques. Des études épidémiologiques récentes sur des travailleurs de l’industrie du nucléaire(2) et sur des enfants et adolescents exposés à des rayonnements ionisants lors d’examen scanners(3) retrouvent ainsi une augmentation du risque de cancers proportionnelle à la dose reçue qui reste significative, y compris lorsque l’intervalle étudié est restreint à des doses cumulées faibles inférieures à 100 milligrays (mGy), confortant ainsi ce qui jusqu’alors n’était qu’une hypothèse. Ces résultats consolident les connaissances sur l’impact des rayonnements ionisants à faibles doses et confirment l’importance des principes d’optimisation et de justification pour la protection radiologique des populations exposées quelle qu’en soit l’origine (rayonnement naturel, exposition médicale, industrie nucléaire, etc.). Sur la base des synthèses scientifiques du Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation – UNSCEAR), la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a publié les coefficients de risque de décès par cancer dus aux rayonnements ionisants, soit 4,1 % d’excès de risque par sievert pour les travailleurs et 5,5 % par sievert pour la population générale (voir publication 103 de la CIPR). L’évaluation du risque de cancer du poumon dû au radon(4) repose sur un grand nombre d’études épidémiologiques, réalisées directement dans l’habitat, en France et à l’échelle internationale. Elles ont permis de décrire une relation linéaire, même pour une exposition faible (200 becquerels par mètre cube – Bq/m3) sur une durée de vingt à trente ans. En 2009, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé un niveau de référence de 100 Bq/m3, et dans tous les cas de rester en deçà de 300 Bq/m3. La publication 115 de la CIPR a comparé les risques de cancer du poumon observés dans le cadre des études sur les mineurs d’uranium avec ceux observés en population générale et a conclu à une très bonne concordance des risques observés dans ces deux conditions d’exposition au radon. Les recommandations de la CIPR confortent celles émises par l’OMS, qui considère que le radon constitue, loin après le tabac, le deuxième facteur le plus important de risque de cancer du poumon. Par ailleurs, pour des expositions au radon égales, le risque de cancer du poumon est beaucoup plus élevé chez les fumeurs : trois quarts des décès par cancer du poumon attribuables au radon surviendraient chez des fumeurs. En France métropolitaine, environ 12 millions de personnes, réparties dans près de 7 000 communes, sont potentiellement exposées à des concentrations élevées en radon. Selon l’Agence nationale de santé publique (2018), le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon attribuables au radon en France métropolitaine est estimé à environ 4 000 par an, loin derrière celui dû au tabac (le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon en France Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 101 • 01 • Les activités nucléaires: rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 01 05 15 08 11 04 14 06 07 13 AN 03 10 02 09 12
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=