Rapport de l'ASN 2023

nécessaires, en particulier, au responsable opérationnel de la qualité et a communiqué sur les résultats de cette politique. A contrario, ces démarches stagnent ou régressent lorsque la direction n’octroie pas de façon pérenne de moyens suffisants au responsable opérationnel de la qualité ou lorsque ce dernier ne dispose pas d’une autorité suffisante pour la déployer. La mise en place de revues de direction et d’audits internes est également observée mais reste encore très dépendante d’une dynamique interne et repose pour beaucoup sur la disponibilité des personnes en charge de la qualité (ROQ et cadres de santé). L’ASN constate toujours que l’analyse des conséquences d’une modification organisationnelle ou technique sur l’activité des opérateurs n’est pas systématiquement réalisée, alors que ces changements sont des sources potentielles de déstabilisation, en particulier, pour l’organisation des traitements et des pratiques de travail et peuvent fragiliser des lignes de défense mises en place. À cet égard, il est indispensable de réinterroger l’analyse de risque a priori afin de la compléter, le cas échéant, dès lors que de nouveaux processus de travail sont mis en place ou pour vérifier que les barrières existantes sont toujours adaptées. Les démarches de formalisation du processus de conduite du changement, dorénavant obligatoires, se déploient de plus en plus mais ne sont pas toujours abouties dans les centres concernés par des évolutions récentes ou en cours. Les enseignements des inspections réalisées en 2023 montrent en effet que, lors de la mise en place d’une nouvelle technique, la démarche de conduite des changements est considérée comme satisfaisante pour la moitié des centres (50%) seulement, chiffre constant sur la période 2019-2023. La gestion en mode projet des changements réalisés (désignation d’un pilote, planification du projet, formation des équipes, organisation de la continuité du travail de routine pendant l’implémentation du projet, mise à jour documentaire) se déploie dans les centres de manière assez hétérogène, et selon que les centres ont des projets dans un avenir proche ou pas. Afin d’aider les services à mieux s’approprier les modifications matérielles et/ou techniques, l’IRSN a publié en partenariat avec les professionnels de la radiothérapie, dans le cadre d’une saisine de l’ASN, un Guide pour l’appropriation d’un changement technique ou matériel en radiothérapie. Dans un contexte de pénurie des professionnels de santé, de modifications des organisations du fait de la mise en œuvre de la réforme des autorisations de soins ou d’opérations de rachat de centres, l’ASN appelle à la vigilance des décideurs, des RAN et des professionnels sur la nécessité d’évaluer l’impact de ces changements d’ampleur sur l’activité de travail de ces derniers, dans la mesure où ces projets nécessitent un investissement important des personnels, qui s’ajoute à la charge de travail existante. L’état des lieux des démarches qualité-sécurité en radiothérapie depuis 2008, la gestion du changement, ainsi que l’apport des démarches REX et leur amélioration ont fait l’objet d’un séminaire des acteurs de la radiothérapie, que l’ASN a organisé le 15 mars 2023 à Montrouge (voir encadré page précédente). Ces enseignements serviront à nourrir les réflexions de l’ASN pour l’élaboration du prochain programme d’inspection en radiothérapie à partir de 2025. 2.1.3.3 Les événements déclarés en radiothérapie externe En 2023, 88 ESR ont été déclarés en radiothérapie au titre du critère 2.1 (exposition des patients à visée thérapeutique). Parmi ces événements, 37 ont été classés au niveau 1 de l’échelle ASN‑SFRO, soit 42% du total, et sept au niveau 2. Ces derniers concernent: ∙ quatre erreurs de latéralité (voir encadré page suivante) dont deux avec la délivrance du traitement du mauvais côté pour la totalité ou la quasi-totalité du traitement (25 séances sur 28). Les deux autres erreurs de latéralité se sont produites respectivement durant six séances sur 15 prévues et durant 19 sur 33 séances dans le cadre de traitement de cancer du sein; l’analyse de ce type d’événements peut révéler que les barrières de sécurité mises en place, comme celles permettant de s’assurer de la délivrance du traitement du bon côté, n’ont pas été efficaces, ce qui doit conduire à réviser l’analyse des risques a priori et à réfléchir en équipe à des parades plus robustes; ∙ une erreur de positionnement, ayant entraîné la délivrance intégrale du traitement sur la mauvaise vertèbre ; ∙ une erreur liée à une zone de recoupe non prise en compte lors du contourage, ayant entraîné un surdosage aux organes situés dans cette zone dans un contexte de réirradiation ; ∙ une erreur de dose sur un traitement d’un sein en arcthérapie volumétrique par modulation d’intensité (Volumetric Modulated Arc Therapy – VMAT), avec cinq séances réalisées en plus de la prescription souhaitée, ayant entrainé une dose totale sur l’ensemble du volume de plus de 20%. Deux ESR classés au niveau 1 de l’échelle ASN-SFRO concernent des cohortes de patients liés à : ∙ une erreur lors de la calibration du système de contrôle de positionnement des patients utilisé au moment des séances de radiothérapie externe, qui a provoqué un décalage du positionnement pour six patients ; ∙ une erreur de positionnement ayant concerné 7 patients à la suite d’un décalage de l’isocentre de traitement d’un imageur de repositionnement. La majorité des événements déclarés en 2023 concerne la radioprotection des patients et sont, pour la plupart, sans conséquence clinique attendue. Comme les années précédentes, ces événements mettent toujours en exergue des fragilités organisationnelles au niveau : ∙ de la tenue des dossiers des patients, permettant d’avoir une vision d’ensemble et un accès, au bon moment, aux données nécessaires; plus l’erreur est commise tôt dans le processus de prise en charge (par exemple, erreur de côté), en particulier à l’étape de la consultation initiale et de l’élaboration de la prescription et moins cette information sur la latéralité est remise en question aux étapes suivantes de la prise en charge du patient; il est donc essentiel de tester les barrières mises en place à ces étapes du processus ; ∙ des étapes de validation qui sont insuffisamment explicitées quant aux paramètres à vérifier (quel contrôle ? À quelle étape du processus? Par quel opérateur?); ∙ de la gestion des flux de dossiers de patients qui, si elle n’est pas optimisée, crée des contraintes sur l’activité de travail des professionnels favorisant la levée de certaines barrières de contrôle. De façon générale, des pratiques non harmonisées au sein d’un même centre, des interruptions de tâches fréquentes, une charge de travail importante non maîtrisée avec, notamment, un impact sur les amplitudes horaires de travail, le déploiement d’une nouvelle technique ou pratique non maîtrisée constituent des situations qui viennent perturber les activités de travail et fragiliser les mesures de sécurité qui ont été définies dans le système de management de la qualité (SMQ). Il est ainsi essentiel d’évaluer régulièrement ces mesures et de tirer les enseignements des dysfonctionnements qui se produisent. L’ASN a publié en 2023 un bulletin « La sécurité du patient » consacré à la démarche d’analyse des risques a priori. Celui-ci a pour objectif de faire émerger une vision commune des processus de prise en charge des patients, d’anticiper les risques potentiels et de définir et améliorer les mesures de sécurité nécessaires à leur maîtrise. Ainsi, par exemple, les interruptions du processus de traitement, consécutives à une panne machine, à un défaut technique ou à une maintenance, sont sources de désorganisation pour l’équipe et de risques potentiels pour le patient, sans nécessairement se traduire par un ESR. Ce bulletin interroge les facteurs de risque pour le 218 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 07 • Les utilisations médicales des rayonnements ionisants

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