Rapport de l'ASN 2023

Les décrets du 10 janvier 2003 fixent la capacité individuelle de traitement de chacune des deux usines à 1000 tonnes par an (t/an), comptées en quantité d’uranium et de plutonium contenus dans les assemblages combustibles avant irradiation (passage en réacteur) et limitent la capacité totale des deux usines à 1 700 t/an. Les limites et conditions de rejet et de prélèvement d’eau du site fixées en 2015 ont été mises à jour par deux décisions de l’ASN du 16 juin 2022 (décision n°2022-DC-0724 et décision n°2022-DC-0725). Les décisions modifient notamment la valeur maximale mensuelle de l’activité volumique des gaz rares, dont le krypton-85, ainsi que l’encadrement des limites et modalités de contrôle des rejets en mer de onze substances chimiques, détectées par l’exploitant en faible quantité dans les rejets dans le cadre d’une démarche d’évaluation de la conformité réglementaire. Les opérations réalisées dans les usines Les usines de retraitement comprennent plusieurs unités industrielles, chacune destinée à une opération particulière. On distingue ainsi les installations de réception et d’entreposage des assemblages de combustibles usés ; de cisaillage et de dissolution de ceux‑ci ; de séparation chimique des produits de fission, de l’uranium et du plutonium ; de purification de l’uranium et du plutonium et de traitement des effluents, ainsi que de conditionnement des déchets. À leur arrivée dans les usines, les assemblages de combustibles usés disposés dans leurs emballages de transport sont déchargés soit « sous eau » en piscine, soit à sec en cellule blindée étanche. Les assemblages sont alors entreposés dans des piscines pour leur refroidissement. Les assemblages sont ensuite cisaillés et dissous dans l’acide nitrique afin de séparer les morceaux de gaine métallique du combustible nucléaire usé. Les morceaux de gaine, insolubles dans l’acide nitrique, sont transférés vers une unité de compactage et de conditionnement. La solution d’acide nitrique comprenant les substances radioactives dissoutes est ensuite traitée afin d’en extraire l’uranium et le plutonium, et d’y laisser les produits de fission et les autres éléments transuraniens. Après purification, l’uranium est concentré et entreposé sous forme d’UO2(NO3)2. Il est destiné à être converti dans l’installation TU5 du site du Tricastin en un composé solide (U3O8), dit « uranium de retraitement ». Après purification et concentration, le plutonium est retransformé en oxyde de plutonium, conditionné en boîtes étanches et entreposé. Il est ensuite destiné à la fabrication de combustibles MOX dans l’usine Orano de Marcoule (Melox). Les effluents et les déchets produits par le fonctionnement des usines Les produits de fission et autres éléments transuraniens issus du retraitement sont concentrés, vitrifiés et conditionnés en colis standards de déchets vitrifiés (CSD-V). Les morceaux de gaines métalliques sont compactés et conditionnés en colis standards de déchets compactés (CSD‑C). Par ailleurs, ces opérations de retraitement mettent en œuvre des procédés chimiques et mécaniques qui, par leur exploitation, produisent des effluents gazeux et liquides ainsi que des déchets solides. Les effluents gazeux se dégagent principalement lors du cisaillage des assemblages et pendant l’opération de dissolution. Le traitement de ces effluents gazeux s’effectue par lavage dans une unité de traitement des gaz. Les gaz radioactifs résiduaires, en particulier le krypton et le tritium, sont contrôlés avant d’être rejetés dans l’atmosphère. Les effluents liquides sont traités et généralement recyclés. Certains radionucléides, tels que l’iode et le tritium, sont dirigés, après contrôle et dans le respect des limites de rejet, vers l’émissaire marin de rejet en mer. Les autres sont dirigés vers des unités de conditionnement du site (en matrice solide de verre ou de bitume). Les déchets solides sont conditionnés sur le site soit par compactage, soit par enrobage dans du ciment, soit par vitrification. Les déchets radioactifs solides issus du traitement des assemblages de combustibles usés dans des réacteurs français sont, selon leur composition, envoyés au Centre de stockage des déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA‑VC) de Soulaines (voir chapitre 15) ou entreposés sur le site Orano de La Hague dans l’attente d’une filière pour leur stockage définitif ; c’est notamment le cas pour les CSD‑V et CSD‑C, dont le stockage définitif est envisagé dans l’installation Cigéo en projet (voir chapitre 15). Conformément à l’article L. 542‑2 du code de l’environnement, les déchets radioactifs issus du traitement des assemblages de combustibles usés d’origine étrangère sont réexpédiés vers le pays producteur. Cependant, il est impossible de séparer physiquement les déchets en fonction des combustibles dont ils proviennent. Afin de garantir une répartition équitable des déchets issus du traitement des combustibles de ses différents clients, l’exploitant a proposé un système comptable permettant le suivi des entrées et des sorties de l’usine de La Hague. Ce système, appelé « Exper », a été approuvé par arrêté du ministre chargé de l’énergie du 2 octobre 2008. 1.4 LA COHÉRENCE DU « CYCLE DU COMBUSTIBLE » DU POINT DE VUE DE LA SÛRETÉ ET DE LA RADIOPROTECTION La fabrication du combustible nucléaire utilisé dans les réacteurs des centrales nucléaires produisant de l’électricité, son entreposage, son retraitement après irradiation et la gestion des déchets qui en proviennent constituent le «cycle du combustible nucléaire». Il implique différents exploitants : Orano, Framatome, EDF et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). L’ASN contrôle la cohérence globale des choix industriels faits en matière de gestion du combustible qui pourraient avoir des conséquences sur la sûreté. Au-delà des enjeux de sûreté propres à chaque installation, le « cycle du combustible » présente en effet des enjeux de sûreté d’ordre systémique, notamment du point de vue de l’équilibre du fonctionnement des différentes installations, et de la maîtrise des inventaires de substances radioactives et des besoins en entreposage associés. L’ASN a rendu le 18 octobre 2018 son avis n°2018-AV-0316 sur le dossier «Impact cycle 2016», rédigé conjointement avec les acteurs industriels du « cycle ». Ce dossier présente les conséquences sur chaque étape du « cycle du combustible » de la stratégie mise en œuvre par EDF pour l’utilisation des différents types de combustibles dans ses réacteurs, de différents scénarios de mix énergétique envisagés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ou encore d’aléas de fonctionnement d’usines contribuant au « cycle du combustible ». Elle souligne le besoin d’anticiper au minimum d’une dizaine d’années toute évolution stratégique du fonctionnement du « cycle du combustible », afin qu’elle puisse être conçue et réalisée dans des conditions de sûreté et de radioprotection maîtrisées. Il s’agit, par exemple, de s’assurer que, compte tenu des délais incompressibles de développement des projets industriels, les besoins de création de nouvelles installations d’entreposage de combustibles usés, ou encore d’emballages de transport, sont suffisamment anticipés. 338 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 12 • Les installations du «cycle du combustible nucléaire»

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